Image noir et blanc de fleur avec un texte sur la souffrance

Selon Patanjali, tout plaisir engendre la souffrance.
Pourquoi ce ton si péremptoire ? Pour nous alerter sur le mécanisme.

 

पिरणामतापसं*ारदुःखैगु1णवृि5िवरोधा9 दुःखमेव सव;िववेिकनः॥१५॥

pariṇāma tāpa saṁskāra duḥkhaiḥ guṇa-vrtti- ̥
 virodhācca duḥkham-eva sarvaṁ vivekinaḥ

Patanjali, Yoga-Sûtra
II-15

A la lecture du sutra n°15 du chapitre Sadhana Pada, le sage Patanjali nous invite à expérimenter la relation entre les plaisirs sensoriels et la souffrance. Le texte qui suit est une libre interprétation du sujet, il ne prétend pas en être une explication ni encore moins une analyse.
Pour commencer, il convient de distinguer une certaine échelle dans la souffrance. Il serait obscène de comparer les afflictions, aux vraies douleurs qui emportent la raison en faisant basculer celui qui les vit dans sa chair. Prenons comme point de départ, les souffrances dues aux besoins physiologiques – ces besoins satisfaits, procurent effectivement du plaisir. Mais, à moins d’être rompu à une ascèse régulière, force est de constater que nous sommes tous dépendants de nos besoins et que, ne pas y répondre provoque une souffrance légitime et nous empêche d’assurer les tâches quotidiennes.
Nous constatons ainsi notre vulnérabilité intrinsèque à notre existence. Nos souffrances d’ordre physiologiques sont mortelles, qu’importe notre démarche spirituelle. Par contre il existe un stade d’acceptation de la souffrance expérimentée par ceux et celles qui ont découvert la transcendance. Mais là s’ouvre un autre sujet.
D’autre part, comprenons qu’il convient de distinguer les plaisirs sensoriels, des petits plaisirs fortuits qui se présentent naturellement à nous dans un quotidien dégagé d’une attente ardente. Un autre élément à prendre en compte, se situe au niveau de la simplicité face à la sophistication. Cette dernière répond à une démarche incessante d’une soi-disant amélioration qui conduit inexorablement soit à l’insatisfaction chronique soit au vice.
Patanjali nous met en garde sur le fait que les plaisirs issus des organes de sens, donnent lieu à une vision manichéenne du type « ceux qui me font du bien » et « ceux qui me font du mal » ; ces plaisirs sensoriels dépendent d’un mécanisme précis qui se met en place à notre insu. En effet, tout fébrile d’expérimenter le plaisir, véritablement aveuglés, nous quittons la réalité objective, inconscient de ce qui se trame en parallèle. Les origines de la souffrance s’installent en silence, dans l’ignorance de sa future manifestation.
Alors pourquoi emprunter encore et encore ce chemin de misères ? D’une part, tel est notre destin, celui d’expérimenter la vie ; ce que note la philosophie indienne et plus précisément dans le Sâmkhya 1, comme étant la nature de Purusha. Et d’autre part, afin de laisser à ceux qui nous survivent les traces d’un cœur aimant.

LE POÈTE
Puisque l’oiseau des bois voltige et chante encore
Sur la branche où ses œufs sont brisés dans le nid ;
Puisque la fleur des champs entr’ouverte à l’aurore,
Voyant sur la pelouse une autre fleur éclore,
S’incline sans murmure et tombe avec la nuit,
Puisqu’au fond des forêts, sous les toits de verdure,
On entend le bois mort craquer dans le sentier,
Et puisqu’en traversant l’immortelle nature,
L’homme n’a su trouver de science qui dure,
Que de marcher toujours et toujours oublier ;
Puisque, jusqu’aux rochers tout se change en poussière ;
Puisque tout meurt ce soir pour revivre demain ;
Puisque c’est un engrais que le meurtre et la guerre ;
Puisque sur une tombe on voit sortir de terre
Le brin d’herbe sacré qui nous donne le pain ;
Ô Muse ! que m’importe ou la mort ou la vie ?
J’aime, et je veux pâlir ; j’aime et je veux souffrir ;
J’aime, et pour un baiser je donne mon génie ;
J’aime, et je veux sentir sur ma joue amaigrie
Ruisseler une source impossible à tarir.

Portrait d'alfred de Musset
Illustration : Charles Landelle

J’aime, et je veux chanter la joie et la paresse,
Ma folle expérience et mes soucis d’un jour,
Et je veux raconter et répéter sans cesse
Qu’après avoir juré de vivre sans maîtresse,
J’ai fait serment de vivre et de mourir d’amour.
Dépouille devant tous l’orgueil qui te dévore,
Cœur gonflé d’amertume et qui t’es cru fermé.
Aime, et tu renaîtras ; fais-toi fleur pour éclore.
Après avoir souffert, il faut souffrir encore ;
Il faut aimer sans cesse, après avoir aimé.

Alfred de Musset

En exergue du sujet, notons que la voie du Yoga nous indique comment éviter les désordres émanant de ces souffrances. En accord avec notre sensibilité européenne basée sur un solide héritage issu de la sagesse Antique, nous considérons quatre vertus dites cardinales adoptées par Aristote et les stoïciens : Prudence, Tempérance, Force d’âme, Justice. Ces quatre piliers représentent les fondements sur lesquels s’édifient les valeurs morales nécessaires pour affronter les épreuves. Ces vertus sont également présentes dans le Livre de Salomon de l’Ancien Testament

La Prudence se rapproche du Discernement présent dans les Sutras de Patanjali
La Tempérance peut être comparée à la maitrise de soi et l’équilibre personnel proposés dans le Yoga
La Force d’âme donne le courage d’avancer et de relever les défis sans crainte
La Justice tranche de son épée l’égoïsme et l’auto satisfaction

fronton vatican

Raphaël 1511
Palais pontifical, Vatican

Clé de musique

Yoga Sûtra chanté & traduction française – Yoga Ekongkar
Chant orthodoxe « Oh vierge pure » par les moines de Valaam

 

1- La philosophie du Sâmkhya forme le socle du Yoga. Elle nous enseigne que le monde manifesté est la continuité de l’Energie Universelle qui sous l’impulsion de la Pure conscience, ici nommée Purusha, et par les Forces actives de la Nature, ici nommée Prakriti, ont créé les trois grandes qualités qui gouvernent la vie : Sattva, l’équilibre, Rajas, la transformation, Tamas, l’inertie.
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